Lorraine Vaillancourt - la cheffe tire (presque) sa révérence
Il y a 35 ans naissait un des ensembles les plus emblématiques de Montréal, le Nouvel Ensemble Moderne (NEM), formé par Lorraine Vaillancourt. La cheffe d’orchestre, pianiste mais aussi directrice artistique et musicale de l’ensemble, quitte ses fonctions à la fin de la saison, passant le flambeau à Jean-Michaël Lavoie. Rencontre avec l’artiste, qui célébrera cet anniversaire lors du prochain concert le 3 mai.
Malgré ces 35 années passées, Lorraine Vaillancourt ne cherche pas à établir de bilan et préfère continuer à vivre au jour le jour. La directrice artistique et musicale qui s’apprête à passer le flambeau à Jean-Michaël Lavoie, se remémore tout de même les souvenirs de cette belle aventure avec nous.
Un projet de longue date
Après 12 années à travailler aux côtés de Claude Vivier, John Rea, José Evangelista, Rémi Lapointe et Denis Gougeon pour organiser les mythiques Événements du Neuf, Lorraine se dédie à l’un de ces projets de longue date, “fonder un ensemble de chambre permanent et travailler en profondeur avec des musicien·ne·s” pour promouvoir des oeuvres de répertoire.
Alors qu’elle prend une année sabbatique en 1988 à l’Université de Montréal, elle parcourt son réseau et l’Europe pour construire ce noyau de musicien·ne·s et regrouper 15 talents, dont des ancien·ne·s étudiant·e·s, qui ont accepté de tenter l’aventure.
Le 10 janvier, le NEM se réunit pour sa première répétition en vue de son premier concert, le 3 mai. “À force d’en parler, le public s’impatientait et avait hâte de nous découvrir sur scène ”, confie la cheffe d’orchestre. Ce concert d'ouverture est un succès, le public en redemande alors qu’aucune projection sur le futur n’avait encore été établie. Lorraine choisit d’investir financièrement pour faire perdurer cette histoire : “nous n’avions pas de subvention, il fallait donc faire ses preuves”. Une seule préoccupation l’animait, celle de rémunérer correctement les musicien·ne·s pour chaque concert et répétition. Tout s'enchaîne très vite. Le NEM jouit d’une renommée internationale à travers ses tournées et poursuit également les concerts sur le territoire canadien.
Le mode de fonctionnement économique et financier parfois insécurisant n’a pas empêché à l’ensemble de s'épanouir et de déployer de nombreux projets. C’est en souriant que la fondatrice se souvient des débuts : “Au départ, des jeunes entrepreneurs utilisaient le NEM comme un cas d’étude. Ils nous donnaient au pire 6 mois, au mieux 2 ans d’existence”. Sans le vouloir, ces deux années prévisionnelles en sont devenues 35.
Miser sur les oeuvres de répertoire
Lors des débuts, Lorraine choisit de se démarquer de la création pour conserver essentiellement des œuvres de répertoire. Selon elle, “nous ne jouions pas assez les œuvres”, remettant en question cette quête constante de la découverte et de la nouveauté, sans véritablement l’apprécier. Interpréter les œuvres de répertoire était aussi une façon “de ne pas oublier de rendre hommage aux compositeur·trice·s”.
Au fil des années, l’ensemble s'est ouvert à la création, présentant toujours des commandes lors du concert de fin de saison. C’est avec conviction qu’elle affirme que “la modernité existe, les vraies voix personnelles et originales, qui inventent des histoires, ça existe encore si l’on reste à l’affût”.
Un ensemble engagé et permanent
Lorsque les musicien·ne·s intègrent l’ensemble, c’est souvent pour la durée. Deux musiciens sont présents depuis les débuts il y a 35 ans, d’autres font partie de l’aventure depuis plus de 20 ans. Leur engagement pour le NEM est une vraie force. “Ce n’est pas un travail à la pige”, comme le dit si bien Lorraine qui n’hésite pas à consulter ses musicien·ne·s lorsqu’il faut intégrer de nouveaux membres.
Au sein de l’ensemble règne donc une certaine stabilité, un esprit de cohésion et une éthique du travail : “c’est un groupe engagé dans lequel il faut avoir conscience et avoir le désir d’en faire partie”, précise la directrice musicale. “La cohésion ne naît pas toute seule, il faut qu’elle soit sous-jacente et faire en sorte que les caractères s’alignent”.
Le 3 mai, le concert du 35e anniversaire
C’est avec une certaine simplicité que Lorraine confirme s’être fait plaisir sur le programme de ce concert, “donnant la parole à des compositeur·trice·s qui ont compté”. Un concert qui promeut davantage la création, en contradiction avec les ambitions initiales du NEM, une façon d’exprimer l’évolution de l’ensemble à travers ces années.
Il mettra de l’avant les créations de John Rea, Maxime McKinley et de Philippe Leroux. Toutefois, l’ensemble fait un clin d'œil au concert d’ouverture, interprétant une œuvre de Kaija Saariaho, Semaphor, pour 8 instruments. Il y a 35 ans, le NEM interprétait une œuvre différente de cette compositrice décédée en 2023.
Lorraine l’assure, la relève est entre de bonnes mains avec Jean-Michaël Lavoie et affirme ne pas disparaître complètement du tableau et sera toujours engagée de près ou de loin à travers le NEM. Elle conclut de cette manière : “Le NEM doit tout ça à beaucoup de monde” et c’est ce qui compte.
Le concert du 35e anniversaire a lieu le 3 mai à la salle Claude Champagne. Des billets sont encore disponibles juste ici.