La Semaine du Neuf 2024 : rencontre avec Pierre Jodlowski

Pierre Jodlowski invite pour La Semaine du Neuf
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© Lukasz Rajchert

Du 1er au 18 mars, Le Vivier présente sa seconde édition de La Semaine du Neuf. Cette année, le festival a choisi de mettre à l’honneur la vidéo, médium au service des musiques nouvelles. L’occasion aussi de faire découvrir le travail du compositeur français Pierre Jodlowski, pour qui la vidéo a une place fondamentale dans le processus créatif et à travers les thématiques du geste de la narration. Le Vivier l’a rencontré.

 

Après le succès de la première édition en 2023 qui a su réunir près de 1000 personnes pendant une dizaine de jours afin de rendre hommage à Claude Vivier, La Semaine du Neuf est de retour en mars. Trois semaines de concerts et de rencontres pour découvrir comment la vidéo peut accompagner les musiques de création. Pour l’occasion, Le Vivier est heureux d’accueillir, pour la première fois à Montréal, Pierre Jodlowski, compositeur et musicien en musiques mixtes, qui exploite notamment la vidéo et les nouvelles technologies en amenant la musique contemporaine vers la performance.

Un parcours classique avant le contemporain

Musicien classique issu d’une famille de mélomane, Pierre Jodlowski a d’abord exploré les univers du rock et du jazz lorsqu’il était adolescent. Cette expérience qu’il qualifie de “déterminante” dans sa carrière lui a permis de conserver une attraction pour l’énergie et la pulsation qui définissent ses musiques. Seulement, quelque chose semblait lui manquer : “j’avais cette impression de manquer de liberté”, confie le compositeur.

Il choisit de reprendre ses études et démarre ainsi une formation expérimentale à l’Université de Toulouse. Il y découvre la musique contemporaine et explore pour la première fois cette liberté et créativité tant recherchées.

Il opère rapidement la rencontre entre l'électroacoustique et l’instrumental et sa musique va peu à peu aller vers le théâtre, mettant les corps en situation de représentation scénique et donnant une place sur scène aux sons électroniques, à la lumière ou encore la vidéo.

L’influence cinématographique de ses oeuvres

Pierre Jodlowski noue également une passion profonde avec le cinéma qualifiant l’expérience cinématographique de multisensorielle. 

Ce qui le passionne dans le cinéma ? La façon dont la musique accompagne ou fait le contrepoids avec les images créant ainsi des “dynamiques cérébrales” chez le spectateur. Il cite les films Apocalypse Now, de Francis Ford Coppola, qu’il découvre dans son enfance par la bande son, ou encore Blade Runner de Ridley Scott, de véritables opéras selon lui à travers lesquels les différentes couches sonores créent une “polyphonie stimulante”.

Dans son travail créatif, la vidéo fait état de situations qui viennent augmenter les champs perceptifs et étendre la possibilité d’interprétation et de compréhension, inspirée entre autres du cinéma.

Plusieurs thématiques viennent nourrir son processus créatif, comme des points de départ dans la réflexion. Aussi, il travaille très peu avec des médiums musicaux purs et préfère s’appuyer sur une intention scénique. 

La vidéo, medium d’accessibilité à la musique contemporaine ?

La musique contemporaine reste confidentielle, elle ne s’entend pas partout. Pour Pierre Jodlowski, “ il faut être volontaire et vouloir aller vers elle, c’est une dynamique souvent volontaire”. La vidéo peut-elle permettre d’accroître l’ouverture vers ces musiques ? 

Pour le compositeur, la vidéo participe à une “spectacularisation qui, si elle peut avoir comme conséquence de rendre plus accessible un concert peut finalement le desservir dans une simple optique de séduction ”. Néanmoins, dans son travail, il cherche continuellement des voies pour créer un langage où la vidéo participe de l’ensemble, où elle entre en dialogue, contrepoint avec les autres éléments que sont la musique et les corps des performeurs.

Les oeuvres présentée dans le cadre de La Semaine du Neuf
 

La programmation de La Semaine du Neuf offre au public l'opportunité de découvrir l’univers du compositeur à travers des œuvres anciennes et d’autres plus récentes. Dans les pièces sélectionnées, deux thématiques se dégagent du travail de Pierre Jodlowski :

  1. Tout d’abord, le geste, “le geste musical devient un geste théâtral” comme il le précise. Pour lui, c’est une façon de s’émanciper des instruments sans renoncer à faire de la musique comme dans Mad Max (dimanche 10 mars par Charles Chiovato Rambaldo) ou encore Sixty Loops pour quatuor à cordes, jouée par le Quatuor Bozzini. C’est aussi le cas de l'œuvre Respire, interprétée par le Nouvel Ensemble Moderne et inspirée “du geste archaïque de respirer et la création de modulations avec son corps”, explique-t-il. À l’origine du projet, des corps de danseurs ont été filmés en train de respirer et les mouvements de ventre ont été ensuite orchestrés.
  2. Ensuite, la narration, celle générée directement ou indirectement par la musique. En exemple, il est possible de citer Ghostland, spectacle présenté par les Percussions de Strasbourg, dont la thématique narrative est le fantôme, abordée en trois temps. La première interprétation est celle du fantôme dans la machine. Une théorie datant des années 70 selon laquelle les machines sont des sortes de fantômes imitant le comportement des humains et leur permettant de devenir autonomes. La seconde partie, politiquement plus engagée, dénonce l’idée que le travail transforme la population en fantôme. Enfin, la troisième et dernière représentation est celle du fantôme dans la culture asiatique en tant qu’entité positive des esprits de nos proches et familles disparus. Le spectacle Ghostland s’appuie ainsi sur une dimension narrative pour mettre en partage des idées et des réflexions.

Les pièces Something out of Apocalypse, Le dernier songe de Samuel Beckett ou encore Mecano 1, appartiennent aussi au répertoire du compositeur et seront respectivement interprétées par l’ensemble Flashback, le quatuor de saxophones Quasar ainsi que Sixtrum. Cette semaine du Neuf est une belle porte d’entrée pour découvrir l’univers de Pierre Jodlowski et appréhender différemment les musiques nouvelles. Rendez-vous dès le 1er mars prochain !

Découvrez la programmation de La Semaine du Neuf.